Le sujet de la GPEC passionne rarement les foules. Il est d’ailleurs souvent synonyme de promesse non-tenue et d’artifice réglementaire inutile. Mais ne partez pas tout de suite, car les choses bougent !
En effet, depuis quelques mois et à l’heure où nous écrivons ces lignes, le sujet de la GPEC revient de plus en plus dans le discours de nos interlocuteurs. Cette étrange temporalité ne doit en fait rien au hasard, car 2024 sera une année à GPEC. Explications.
De quoi parle-t-on ?
En fonction des entreprises, vous pourrez être amenés à entendre ces différents termes :
- GPEC : Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences
- GEPP : Gestion des Emplois et Parcours Professionnels voire GEPPMM (en y accolant la Mixité des Métiers, avec toujours plus de lettres histoire de bien faire peur)
- SWP : Strategic Workforce Planning, expression offensante pour les gardiens de la loi Toubon
Cette avalanche d’acronymes* qui ravira les amateurs de soupe alphabet est souvent utilisée de manière interchangeable. Nous ne vous ferons pas l’affront ici de détailler par le menu ce qu’ils signifient, car les ressources à ce sujet abondent. Mais quelques rappels sont utiles.
Initialement, la mise en place d’accords de GPEC avait pour but d’amener les entreprises de plus de 300 collaborateurs à fournir de la visibilité sur l’évolution des métiers et des compétences à leurs collaborateurs, dans une logique d’employabilité. C’était évidemment théoriquement vertueux, mais en pratique assez lourd et contraignant.
Conscient de cela, le législateur (les lois Rebsamen puis les ordonnances Macron) a progressivement transformé ce dispositif en GEPPMM, qui au delà du changement de nom, apportait les évolutions suivantes :
- Une obligation de négociation avec les partenaires sociaux mais plus d’obligation d’accord
- L’introduction de Parcours Professionnels, censé donner une dimension plus dynamique d’accompagnement des collaborateurs
- Des objectifs de Mixité des Métiers, i.e. éviter de dépasser le 65%-35% entre hommes et femmes sur un métier donné
Est-ce que cela a enterré la GPEC ? Non, car elle fait toujours partie du dispositif, et par abus de langage, tout le monde continue d’employer le terme.
Quant aux objectifs de Mixité, ils sont statistiquement absents des accords qui sont publiés.
Malgré ces évolutions, la démarche pâtit toujours d’une mauvaise image, et semble n’être perçue qu’à travers le prisme du dialogue social au lieu d’être un véritable dispositif stratégique au service de l’entreprise.
Alors pourquoi maintenant ?
2024 sera pourtant une année placée sous le signe de la GPEC en France. La raison est purement mathématique :
- Les ordonnances Macron datent de 2017, mais les décrets d’application ne sont sortis qu’en décembre de cette année, donc les accords ont été signés en 2018
- Les négociations sont triennales
- 2018 + 3 + 3 = 2024
CQFD.
Par analogie, on peut comparer ce cycle à celui des élections professionnelles. Toutes les entreprises ont dû tenir leurs élections à peu près au même moment lors de la réforme des instances représentatives (la création du CSE). La durée des mandats étant la même pour tous, tout le monde est appelé aux urnes au même moment.
De plus, la temporalité correspond bien aux cycles économiques. Le dialogue social en 2022 et 2023 a surtout tourné autour des rémunérations, du partage de la valeur, et… du télétravail. Sans surprise, dans un monde d’inflation et d’évolution du rapport au travail.
Mais maintenant que ces sujets ont été abordés, ne serait-il pas temps en 2024 de s’attaquer un peu plus sérieusement à la GPEC en lui redonnant ses lettres de noblesse ? Peut-être aussi en bénéficiant de l’effet d’aubaine créé par la tendance aux “skills based organizations” ?
Et le SWP dans tout ça ?
Nous l’avons vu, la GPEC (ou GEPP, ou GEPPMM) souffre de sa forte connotation “dispositif social et réglementaire”. Un peu comme la QVT en son temps, ou même le télétravail.
Pour contrer cette image négative, rien de tel qu’un peu de marketing et la langue de Shakespeare. La QVT devient donc le “well being” ou le “future of work”, le télétravail passe en “hybrid working”, et la GPEC… en SWP!
Ce rebranding est nécessaire pour plusieurs raisons :
- La GPEC est une disposition légale purement française. Or les enjeux des grands groupes sont globaux. La seule façon d’avoir une vision internationale harmonisée est le terme universellement accepté de Strategic Workforce Planning
- Dans SWP, le S est très important : il permet de relier les enjeux business avec les enjeux humains
- En se détachant de la nomenclature officielle, il perd le côté réglementaire contraignant.
Cela ne signifie évidemment pas que le SWP n’est pas utile à la GPEC, bien au contraire ! Mais il permet d’inverser le sens des priorités : on construit d’abord quelque chose d’utile pour l’organisation, qui va ensuite irriguer tous les cas d’application classiques – formation, mobilité, recrutement, diversité, dialogue social…
Votre SWP en 2024
Personne n’a besoin d’être convaincu de l’importance de mener une démarche de SWP. Cela fait plus de 10 ans qu’elle est d’ailleurs systématiquement citée dans le top 3 des sujets RH par le BCG. Pour autant, elle a pu être fréquemment dépriorisée.
Et si l’on profitait du contexte de 2024 pour changer d’approche ? Et si l’on invitait les métiers, les dirigeants de Business Units, la Finance, à prendre part à un projet collaboratif au service de l’évolution du business ? A renouer avec le temps long et à planifier sans pour autant sacrifier l’agilité ? Chiche !
*pour les puristes : seul GPEC est un acronyme quand il est prononcé “jépék”, les autres sont des sigles